jeudi 25 août 2016

Juliette a deux mamans... et 3 petites soeurs!




Qu'est-ce qui m'a décidé à écrire un billet traitant de l'homoparentalité? D'une situation qui n'est pas encore claire pour l'administration française, pour le tout un chacun ou même pour nous au quotidien?

Peut-etre le fait qu'en publiant hier une photo de notre mariage pour fêter nos 3 ans sur Instagram, j'ai "étonnamment" perdu quelques abonnés... ou plutôt le fait d'avoir eu des félicitations de beaucoup, et notamment de couples de mamans, dans l'incertitude de leur projet d'adoption... Et assurément le fait de me rendre compte que nous ne sommes pas tous égaux (quel scoop!), pas tous égaux face à l'administration. Je m'explique et me dévoile un peu plus:

Maman A et moi nous connaissons depuis le lycée, sommes ensemble depuis 11 ans, pacsées depuis 9 ans, mariées depuis 3 ans et mamans depuis 4 ans. Toutes ces étapes résument assez bien l'évolution de la loi française quant aux couples de même sexe, hormis la partie "maman" que nous avons quelque peu anticipée. Pour nous, être 2 femmes en couple ne nous interdisait pas de vivre notre envie d'enfant. Nous savions ne pas pouvoir légalement disposer de la PMA en France, donc nous avons fait le choix de nous diriger vers un pays plus avancé en terme de legislation et d'accès à la PMA pour les couples de même sexe.

Il y a 4 ans, être 2 mamans n'était pas legal, nous le savions, et j'avais seule les droits parentaux sur Juliette, ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes dans la vie quotidienne: Maman A ne pouvait pas faire soigner Juliette en mon absence sans autorisation de ma part. En cas de disparition prématurée de ma part, Maman A n'aurait pas eu la garde de Juliette, mais elle aurait été confiée à mes parents, elle ne pouvait pas aller la chercher à la creche sans présenter une piece d'identité et que je prévienne à l'avance, elle ne pouvait pas voyager seule avec Juliette, et j'en passe. Juliette apparaissait sur mon livret de famille, oui MON livret de famille ou j'étais déclarée seul parent. Heureusement pour tout cela, nous avons toujours rencontré des gens formidables dans leur ouverture d'esprit: le jour de sa naissance, la sage femme nous a demandé quel nom elle mettait sur le bracelet de naissance... Elle a mis nos 2 noms car pour elle Juliette avait bien 2 mamans quoiqu'en dise la loi... J'en suis encore toute émue... A la creche, jamais les puéricultrices ne nous ont demandé de pièce d'identité... Notre médecin n'a jamais posé la moindre question. Quant à mes parents, j'ai la chance d'avoir une famille ouverte, pas forcément dès le départ, pas forcément évident à accepter lorsque l'on n'a jamais envisagé ce mode de vie... mais force est de constater que notre famille est équilibrée et unie, Granny et Grappy y sont totalement intégrés et je suis convaincue qu'ils auraient fait le bon choix... Nous avions, toutefois, pris la décision de rédiger un testament devant notaire pour établir mes dernières volontés, mais celui-ci n'avait aucune valeur légale, et la garde de Juliette aurait fait l'objet d'un passage devant le juge des affaires familiales qui aurait alors fait un choix en tenant compte ou non de l'existence de ce testament.



Puis la loi autorisant le mariage entre 2 adultes du meme sexe est passée en 2013, validant l'adoption des enfants du couple par le conjoint. Enfin ça, c'est ce qu'en a retenu l'opinion publique. 

Dans la vraie vie, ce qu'il s'est réellement passé, c'est que la sur-médiatisation des anti-mariages gay a fait reculer le gouvernement sur un projet de loi qui nous donnait une vraie reconnaissance en tant que couple. Au lieu de cela, nous avons aujourd'hui une situation bancale qui nous permet certes d'adopter nos enfants (déjà il n'y a pas quelque chose de choquant dans cette phrase?) mais cette adoption n'est pas de fait. Nous devons faire une demande d'adoption plénière auprès du procureur de la république. En fonction du tribunal de grande instance dont nous dépendons, nous devons lancer la procédure avec l'aide d'un avocat. Dans tous les cas, la maman qui a porté l'enfant doit renoncer à ses droits parentaux pour les partager avec sa conjointe (pourquoi devoir y renoncer pour partager...). Il nous faut donc passer devant un notaire, 2 fois. Puis il faut fournir un dossier complet, dans lequel nous devons apporter des témoignages écrits de personne ayant une valeur morale, tels que le médecin de famille, le directeur de la creche, le pédiatre, mais aussi de nos familles et amis afin de justifier de l'investissement et de liens de l'adoptant dans la vie de l'adopté. Il a aussi fallu que Maman A justifie de son investissement financier en fournissant ses relevés de compte et ses bulletins de salaires. Enfin, nous avons prouvé son lien affectif par de nombreuses photos justifiant de sa présence et de son investissement dans la vie de Juliette. Dans certaines régions, et je viens de le découvrir, une enquête de police est menée ainsi qu'une visite du domicile... Je vous laisse juger de la normalité de la situation!



Aujourd'hui, Juliette a officiellement 2 mamans, mais ce n'est pas le cas des triplées. Nous avons donc aujourd'hui 2 livrets de famille (à nouveau, car nous en avions eu un deuxième lors de notre mariage, qui a été détruit avec l'adoption, le premier indiquait que j'étais la maman de Juliette, le deuxième indiquant que j'étais mariée à Maman A et que nous n'avions pas d'enfant ensemble). Notre premier livret indique que Maman A et moi sommes mariés et avons un premier enfant, et le second indiquant que j'ai 3 enfants seule, un premier, un second et un troisième... Oui oui tu fais bien le calcul, j'ai bien 2 premiers enfants, j'ai donc 2 familles... pas très réglo pour Maman A tout ça ;). Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs, je ferai un billet traitant de l'adoption très rapidement, au moins aussi rapidement que le fait de se relancer dans la procédure (ahah, on avait dit qu'on ferait plus vite que pour Juju... Les triplées ont 15 mois et...rien!).

Au quotidien, jusqu'à l'entrée à l'école, pour Juliette, sa famille était "normale". Mais nous avions anticipé et avons commencé à lui expliquer qu'il existait plusieurs types de famille et non un modèle unique et prédominant (peut être que cela a un rapport avec le fait qu'elle ait décidée de faire tourner Maman A en bourrique en l'appelant Papa pendant près de 2 mois... En même temps, pour sa défense, toutes les histoires qu'on lui lisait, tous les dessins animés qu'elle regardait, tournaient autour d'une famille composée d'un papa et d'une maman). Nous lui avons acheté des livres très adaptés décrivant bien les différents types de familles possible, et des histoires dans lesquelles les héros avaient 2 mamans (particulièrement Jean a 2 mamans d'où mon titre) ou 2 papas. Je ferai un billet sur les livres que nous avons trouvé adaptés pour expliquer ces situations à un enfant. Elle a très bien compris, d'autant que dans notre entourage, nous rencontrons tout type de configuration: des familles papa/maman, papa/belle-maman, maman/beau-papa, maman seule, papa seul, 2 mamans... 



A l'école, nous avons averti la maîtresse et la directrice de l'école et lui avions demandé de nous signaler si Juliette subissait la situation. (J'ai préféré lui préciser qu'elle avait bien aussi 3 petites sœurs et que Juliette n'avait pas une imagination débordante ;)) Elle nous a alors rassuré en nous disant qu'elle ne tolérerait pas ça dans sa classe. Alors oui, nous adultes, nous constatons que tous les parents d'élèves ne sont pas aussi ouverts que l'instit', mais nous sommes fières de notre famille et l'assumons complètement, car à nos yeux, si nous ne l'assumons pas, Juliette ressentira que sa situation est différente. Notre discours est ferme et définitif, dans notre société, il n'y a pas un modèle de famille mais plusieurs et il faut l'accepter. 
Certains enfants me demande quand je vais chercher Juliette à la garderie: "n'est-ce pas que c'est pas possible que Juliette elle ait 2 mamans?" Si Si, j'explique mon histoire des types de famille et les enfants comprennent très bien. 

Je ne vais pas te mentir, dans certaines situations, nous y réfléchissons à 2 fois avant de nous dévoiler, nous jaugeons la situation et l'ouverture d'esprit des personnes en face de nous et ne mettrons jamais nos enfants dans une situation inconfortable ou dangereuse. Car que faire, prendre la fuite face à des insultes ou laisser les enfants subir un flot de paroles déplacées? Je préfère ne pas tenter le diable. Nous savons aussi que certaines portes se ferment, nous devons faire baptiser les triplées, un baptême républicain. Hélas la mairie de Bordeaux ne les fait pas, et la plupart des mairies qui le pratiquent aux alentours, ne le font que pour les habitants de la commune et exceptionnellement pour des hors-résidents... Je pense que notre situation ne va pas aider certains maires à statuer en notre faveur... Mais nous en trouverons bien un qui sera d'accord. Et puis si ce n'est pas le cas, nous ferons tout de même la fête. Le baptême républicain est symbolique et n'a aucune valeur juridique... On peut faire aussi bien sans le tampon du maire hein! 

Nous ne sommes pas militantes et avons détesté l'instrumentalisation des enfants lors des manifs pour et contre le mariage gay, mais nous constatons que les mentalités changent à notre contact. Certains constatent que nous n'avons pas une vie de débauche et que nos enfants sont heureux, épanouis, bien éduqués. D'ailleurs, une grand-mère assez fermée sur le sujet nous a même lâché au détour d'un rayon, alors qu'elle nous demandait qui était la maman: "elle a bien de la chance, elle a 2 mamans". Il lui aura fallu quelques minutes de réflexion tout de même hein! D'autres admettent que les enfants ne semblent pas déséquilibrés... Nous n'avons pas vocation à changer les convictions des gens que nous croisons, mais ne nierons jamais le rôle de Maman A. 

Comme dirait belle-maman fièrement, "nous sommes une famille moderne". Nos proches et nos familles ne font aucune différence et c'est bien là le plus important!


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5 commentaires:

  1. Bonjour!j ai decouvert votre blog par le like d une amie sur fb! Je l ai devoré. J ai bien ri et j ai été émue. Au plaisir de vous relire et longue vie à votre si jolie famille.

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  2. Bonsoir Amandine, merci beaucoup, votre message me touche beaucoup! j'espère vous faire rire encore longtemps ;)

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  3. Fort touchant ton article. On se suit mutuellement sur Instagram depuis quelques semaines. Je suis touché car on a pas le même parcours et pourtant sur bien des points je me reconnais (dans les galères administratives, les doutes) mais aussi la vie au quotidien.

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    1. Bonjour,

      Oh merci :) Je te suis effectivement sur Instagram, et je me doute que tu dois avoir de vrais galères administratives...

      Pardon pour le delai, mais sous blogger, j'ai du mal a avoir des alertes...

      A tres bientot,

      Constance

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  4. Bonjour chez vous ! Je suis arrivée par hasard quand ma Cherie m'a pitchée votre histoire. Ici aussi il y a une Juju mais elle n'a qu'une grande sœur. Je file voir votre Instagram. A bientôt !

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